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BHL, le Qatar et la Syrie : les grosses « ficelles » de Blast

Syrie Factuel

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Dans un article paru le 5 novembre, Blast affirme que la guerre en Syrie aurait été « programmée » par le Qatar et la France par l’entremise de Bernard-Henri Lévy. La preuve ? Un document confidentiel douteux déjà apparu sur le web il y a dix ans, beaucoup d‘incohérences et un brin de conspirationnisme. Contre-enquête.

Et si le conflit syrien n’était pas le fruit d’une révolution populaire réprimée dans le sang par l’un des pires tyrans du Moyen-Orient, mais la conséquence d’un complot ourdi par un ministre qatari et un écrivain français ? C’est la thèse développée par Blast dans un article publié le 5 novembre et intitulé « Qatar Connection : Quand la France et le Qatar programmaient la guerre en Syrie ».

Blast a été créé en janvier 2021 par le journaliste Denis Robert, ancien directeur du Média, fondé en 2018 par des proches de Jean-Luc Mélenchon. En mars dernier, le journaliste Maxime Renahy avait claqué la porte de Blast en accusant Denis Robert d’avoir accepté le soutien d’un financier proche de l’ancien ministre Arnaud Montebourg. Depuis juin, Blast fait le récit du conflit qui l’oppose à Bernard-Henri Lévy. Ce dernier a porté plainte pour diffamation contre un article publié en avril par Blast, partie d’une longue série sur le Qatar, en avril et selon lequel le gouvernement qatari aurait émis un ordre de paiement de 9,1 millions d’euros à l’écrivain. Bernard-Henri Lévy a été débouté par la justice en septembre 2021.

La saga a donc désormais son volet syrien : Blast annonce avoir mis la main sur un document décrit comme le compte rendu d’une réunion entre Hamad ben Jassim al-Thani, alors premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Qatar, et Bernard-Henri Lévy.

Le mythe de BHL en Libye

Toujours selon Blast, dans ce document qui serait daté du 20 septembre 2011, il est question de la situation en Syrie. « Nous avons réussi à atteindre nos buts communs en Libye. […] Et il n’y aura de nouveau Moyen-Orient ni de stabilité qu’avec le départ du Président al-Assad et des autres régimes dictatoriaux de la région », aurait lâché l’écrivain français à son interlocuteur qatari. « La surprise, forcément, est de taille », assure Blast. Elle ne l’est que si l’on prend Bernard-Henri Lévy au sérieux.

Pour donner du crédit à son histoire, Blast s’appuie sur le prétendu rôle clé qu’il aurait joué dans l’intervention française en Libye en mars 2011, sujet d’un autre article au titre tout aussi définitif ( « Qatar Connection : Quand la France et le Qatar programmaient la guerre en Libye» ). Un mythe qui a pourtant largement été battu en brèche. En 2011, l’écrivain publie un livre sur sa propre épopée libyenne où il raconte par exemple son rôle dans la reconnaissance du Conseil National de Transition libyen par la France. Mais entre les histoires que raconte Bernard-Henri Lévy, ce qu’en retiennent ses principaux contempteurs et la réalité, il semble y avoir un monde de fantasmes. Dans le film qu’il a lui-même réalisé en 2012, l’écrivain révélait comment il avait en réalité engagé la France auprès des rebelles libyens… de son propre chef, et sans l’aval du Président de la République, Nicolas Sarkozy.

Surtout, comme le rappelait Le Monde en 2011, avant même que Bernard-Henri Lévy ne joue les entremetteurs en Libye, « Nicolas Sarkozy est déjà convaincu qu’il faut en passer par une action armée pour porter un coup fatal au régime de Mouammar Kadhafi. L’insurrection armée a commencé en Libye, le 17 février, à Benghazi et déclenché une répression féroce dans plusieurs villes du littoral libyen. L’idée d’imposer une zone d’interdiction aérienne est très vite discutée au niveau international. »

Un document douteux

D’après le document rapporté par Blast, c’est malgré tout en tant que « conseiller et envoyé spécial de son Excellence le président Français Nicolas Sarkozy » que Bernard-Henri Lévy aurait rencontré le Premier ministre qatari en septembre 2011. L’article ne précise pas comment a été vérifiée la véracité du document. Contacté à ce sujet par mail le 8 novembre par Syrie Factuel, Blast n’a pas répondu avant la publication de cet article.

Pourtant, à y regarder de plus près, plusieurs détails permettent de douter de la fiabilité du document en question, notamment l’absence d’un quelconque sceau officiel qatari sur les extraits du document publiés sur le site. Ce qui n’empêche pas Blast d’en conclure à l’existence d’un « plan franco-qatari » pour la Syrie.

Enfin, il semble que les révélations de Blast ont en fait été révélées… il y a près de 10 ans. La supposée rencontre entre Bernard-Henri Lévy et al-Thani a déjà été mentionnée dans un article publié fin décembre 2011 par un site arabophone et repris quasiment à l’identique sur au moins deux autres sites (ici et ici). L’article parle d’un « plan Lévy-Hamad [Ben Jassim al-Thani] » pour détruire la Syrie, cite de nombreux passages similaires à ceux publiés par Blast, et ajoute que la source du document serait en fait un ami français de Bernard-Henri Lévy.

L’histoire de Blast est déjà apparue il y a dix ans, le 22 décembre 2011, sur un site arabophone dans un article intitulé « Un plan Lévy-Hamad pour faire dérailler la situation en Syrie ? » où l’auteur parle de Bernard-Henri Lévy comme étant à la tête d’un « lobby sioniste ». Source

Toujours selon cet autre article, le plan en question aurait été rédigé par les Américains et transmis soit à Bernard-Henri Lévy soit à la Ligue arabe avant d’être discuté avec al-Thani. L’auteur français y est décrit comme « l’homme des missions spéciales de l’organisation sioniste mondiale ». Le document révélé par Blast ne semble ainsi être que la version réchauffée d’une information peu crédible vieille de près de dix ans sans qu’aucun élément nouveau ne permette d’y voir plus clair.

« Un marionnettiste tire les ficelles en coulisses »

Quoiqu’il en soit, Blast rapporte les propos attribués au ministre al-Thani comme suit : « Nous avons convenu avec l’opposition [syrienne] que, dès le retrait des forces syriennes des villes et des villages, les organisateurs de manifestations appellent à descendre dans les rues et à occuper les places publiques dans les grandes villes et les autres villes à majorité sunnite. Assad va essayer de réprimer les manifestants, des opérations d’exécution — en particulier des vieillards et des enfants — devant les médias et les observateurs arabes vont susciter la colère du peuple. […] Les funérailles des victimes vont servir de carburant à la révolution et à la violence et provoqueront des scissions à l’intérieur de l’armée et du pouvoir. »

Dans une formulation aux accents complotistes finalement supprimée par les auteurs le 8 novembre (mais toujours lisible dans le lien archivé), les auteurs écrivent : « rétrospectivement, la lecture conjuguée de ces faits historiques et de ce compte-rendu révélé par Blast a quelque chose de fascinant. Ce troublant parallélisme, entre les faits et le scénario évoqué le 20 septembre 2011, donne le sentiment qu’un marionnettiste tire les ficelles en coulisses. » Sauf qu’à la date du 20 septembre, le scénario déroulé par le ministre qatari n’a déjà plus rien d’un « scénario visionnaire ».

Quelques mois plus tôt, les dirigeants tunisien et égyptien viennent de tomber. Les Syriens, à leur tour, manifestent pacifiquement pour exiger la chute de Bachar al-Assad. Ce mouvement populaire est rapidement réprimé par le régime, qui tire à balles réelles sur la foule, emprisonne et torture. Dès mai 2011 les chars de l’Armée arabe syrienne entrent dans Homs, Banias et Deraa. Trois mois après le début du mouvement, en juin 2011, l’ONU compte déjà un millier de morts.

Dès l’été 2011, de nombreux soldats font défection et rejoignent l’opposition, qui va dès lors commencer à se militariser pour répondre à la violence du régime. La création de l’Armée syrienne libre est annoncée en juillet. Les « scissions à l’intérieur de l’armée et du pouvoir » sont donc déjà un état de fait deux mois avant la rencontre supposée entre Bernard-Henri Lévy et al-Thani. Surtout, les Syriens sont en fait déjà « descendus dans les rues » depuis des mois.

Blast assure que le document est daté de septembre 2011. Mais en vérifiant tant bien que mal ce qui est réellement inscrit en arabe sur les photos floues du document présenté dans l’article, il semble que le document soit plutôt daté de décembre (ديسمبر ) 2011. Un détail confirmé par plusieurs arabophones contactés par Syrie Factuel. Trois mois de différence qui ont une importance cruciale. Début décembre, le bilan de la répression a déjà atteint les 4 000 morts, selon l’ONU.

La page 1 du document publié par Blast indique la date du 20 décembre 2011 (ديسمبر en arabe ), et non celle du 20 septembre.

D’après Blast, Al-Thani prévoyait en septembre de « faire retirer la délégation arabe avant qu’elle ne termine son travail pour que le régime syrien ne puisse pas exécuter le plan de la Ligue arabe de cesser la violence, que les civils ne soient pas protégés et que le régime syrien en porte l’entière responsabilité. » Or, si la rencontre avec Bernard-Henri Lévy a en fait eu lieu en décembre, alors la Syrie était déjà exclue de la Ligue arabe depuis près d’un mois. Nul n’est certes prophète en son pays…

Le régime syrien a lui-même défait de tout sens la mission que l’organisation avait donnée à ses observateurs comme le décrit Christopher Phillips dans son livre « The Battle for Syria ». Le chercheur y explique notamment que les observateurs de la Ligue arabe ne pouvaient pas circuler librement en Syrie pendant que le régime continuait les massacres. Un observateur algérien qualifiera même cette mission de « farce » [1].

Qatar par-ci, Daech par-là

Blast assure aussi que l’écrivain propose à son interlocuteur qatari de recruter des rebelles libyens pour venir soutenir l’opposition syrienne. « Les forces françaises en Libye ont fini d’entraîner un grand nombre de combattants libyens sous le commandement de Mr Harati et ils seront bientôt envoyés en Syrie pour aider l’armée libre. » Harati, plus précisément Abdel Mehdi al-Harati, est l’ancien commandant de la Brigade de Tripoli, un groupe rebelle libyen soutenu par les Occidentaux et le Qatar qui a participé à la prise de la capitale libyenne en août 2011. Comme Blast le mentionne, la journaliste Édith Bouvier avait effectivement raconté sa rencontre avec le libyen pour Le Figaro. Il était alors venu accompagné de deux compatriotes pour former leurs camarades révolutionnaires syriens, soit trois hommes au total.

Mais faut-il en conclure que leur présence est le fruit de la rencontre entre al-Thani et Bernard-Henri-Lévy ? Là encore le diable est surtout dans les détails : contactée par Syrie Factuel, Édith Bouvier confirme qu’elle a rencontré les rebelles libyens en Syrie en novembre 2011. Si la rencontre entre al-Thani et Bernard-Henri Lévy s’est bien tenue le 20 décembre et non le 20 septembre, alors les rebelles Libyens étaient déjà sur place bien avant que l’écrivain français et le ministre qatari ne réfléchissent à les faire venir. Une fois de plus, rien de « prémonitoire ».

Le ministre qatari poursuit la présentation de son plan, selon le récit de Blast : « La dernière solution pour anéantir Assad […] est de soutenir l’armée libre et les rebelles avec les armes, notamment les armes qualitatives, pour créer un équilibre de dissuasion ». Le soutien qatari aux rebelles syriens n’est pourtant pas une révélation. Ce soutien, à la fois financier, humanitaire et militaire, a commencé en avril 2012. Le Qatar a même longtemps été le principal fournisseur d’armes de l’opposition syrienne, tous groupes confondus, avant d’être rattrapé par l’Arabie Saoudite, et disposait d’une base d’entraînement où des rebelles étaient formés avec l’aide d’instructeurs américains.

Des combattants de l’Armée syrienne libre affronte l’État islamique dans les montagnes du Qalamoun, au sud de la Syrie, en mars 2017. Source

Seulement, comme le souligne encore Christopher Phillips [2], le Qatar n’a jamais eu la main mise sur l’opposition qu’elle finançait, qu’elle soit armée ou politique, même s’il a incontestablement joué un rôle important dans l’alimentation de groupes islamistes en leur fournissant du matériel militaire et des financements au tout début du conflit. La France en revanche ne commencera à livrer des armes aux rebelles syriens qu’en 2013. Un programme comportant uniquement des armes légères pour les factions modérées de l’Armée syrienne libre et excluant les formations salafistes.

Selon Blast, le ministre qatari aurait aussi évoqué la possibilité d’ « envoyer du renfort par des combattants et des djihadistes étrangers très expérimentés. » Pas d’explications sur qui seraient ces djihadistes, ni où le Qatar aurait pu les recruter, sans parler du fait que les djihadistes apprécient peu de recevoir leurs ordres de dirigeants du Golfe qu’ils considèrent comme des apostats.

Plus loin, Blast ajoute que « Quelques années plus tard, le Qatar sera d’ailleurs officiellement accusé de financer Daech ». Pour appuyer leur propos, les auteurs renvoient leurs lecteurs à un article de la BBC publié en 2017, pourtant beaucoup plus nuancé. Les États du Golfe accusent alors le Qatar de financer des groupes extrémistes au Moyen-Orient. Dans le détail, il est reproché au Qatar de soutenir les Frères musulmans, les Talibans ou encore les Houthis au Yémen.

La BBC rappelle aussi que le Qatar aurait payé une rançon à un ex-affilié d’Al-Qaïda en échange de la libération de 26 membres de la famille royale capturée en Syrie par des milices chiites irakiennes. Enfin la BBC rappelle que les États-Unis ont épinglé le Qatar pour leur manque de régulation financière qui aurait pu permettre à des individus privés de lever des fonds pour Al-Qaïda et l’État islamique. Mais jamais le gouvernement qatari n’a été formellement accusé de financer directement l’État islamique, comme le prétend Blast, qui se garde bien de préciser que c’est le régime syrien qui a libéré des centaines d’islamistes de ses prisons dès l’été 2011. Certains d’entre eux sont ensuite devenus des figures importantes de l’État islamique, du front Al-Nosra et d’autres groupes radicaux.

L’un des deux auteurs de Blast semble coutumier des raccourcis sur le financement de l’État islamique. En juin 2020, il avait publié dans Le Média — site alors dirigé par Denis Robert et déjà épinglé pour son rapport particulier aux faits sur le conflit syrien — un article intitulé « Révélations — Quand le pétrole de Daesh refait surface… ». Une entreprise française y était accusée d’avoir écoulé du pétrole de l’État islamique via la Turquie.

Cette fois là, l’auteur s’était appuyé sur un « rapport des services secrets russes », sans remettre sa fiabilité en question alors qu’à la période où Moscou publie son rapport la Turquie et la Russie s‘accusent mutuellement de financer le groupe terroriste. À la même période un homme d’affaire Syro-Russe travaillant pour la filiale d’une entreprise russe détenue par un proche de Vladimir Poutine est par exemple accusé lui aussi d’avoir acheté du pétrole à l’État islamique en Syrie et a d’ailleurs été placé sous sanctions américaines et européennes. L’entreprise épinglé par Le Média n’a quant à elle pas été inquiétée à ce jour. L’enquête a néanmoins été reprise par Blast, en septembre dernier, dans un article intitulé « Attentats du 13 novembre : les complices européens de Daech grands absents du procès ».

Un copié collé de la propagande d’Assad

Si le document, tel qu’il est décrit par Blast, reflète bien en partie la position qui était celle du Qatar sur le conflit syrien jusqu’à 2012/2013, il est cependant très loin d’être la preuve d’une « guerre programmée » par Bernard-Henri Lévy. Il constitue en revanche un magnifique best-of des éléments de langage de la propagande de Damas. Ainsi pour Blast, Assad n’est pas l’auteur de crimes contre l’humanité dénoncés par l’ONU et dont certains font désormais l’objet de plaintes en Europe, mais la victime d’un complot étranger et d’une construction médiatique : « Assad doit donc porter le costume du méchant pour justifier la suite, et sa chute ».

Dès les premiers mois de la révolution, le régime et son appareil médiatique prétendent que la Syrie est victime d’un complot étranger, et n’en démordront jamais. En janvier 2012, le dictateur syrien déclarait que « des puissances régionales et internationales ont tenté de déstabiliser le pays », justifiant ainsi la répression qui à ce moment-là n’est plus un secret pour personne : « Notre priorité est désormais de regagner la sécurité dont nous avons profité pendant des décennies, et cela ne peut être réalisé qu’en frappant les terroristes avec une main de fer. Nous n’aurons aucune indulgence pour ceux qui s’allient avec des étrangers contre notre pays. » Un an plus tard, en janvier 2013, alors que le bilan humain atteint déjà les 60 000 morts et que son régime s’apprête à faire usage d’armes chimiques contre les populations civiles, Assad désigne ses opposants comme « des ennemis de Dieu et des marionnettes de l’Occident ». Selon le Syrian Network for Human Rights, 90% des 228 000 civils morts en Syrie entre 2011 et 2021 ont été tués par le régime syrien et ses alliés.

Autant de faits qui ne doivent en aucun cas venir encombrer le récit de Blast au sujet de la toute puissance de Bernard-Henri Lévy. « Devant ce tableau terrible, une question brûle les lèvres : sans l’aide de la France, pour renforcer les insurgés syriens (après avoir agi de la même façon en Libye), tout cela aurait-il été possible ?», s’interrogent les auteurs en conclusion de leur article. « Ce simple énoncé semble porter à lui seul la réponse. » Voilà qui est fort pratique.

Face aux nombreuses réactions sur les réseaux sociaux les auteurs ont malgré tout publié lundi 8 novembre une « mise au point ». « Pour faire court, nous sommes accusés de vouloir exonérer le dictateur Bachar al-Assad du bain de sang dans lequel il a plongé sa population », écrivent-ils.

Ils s’en défendent, mais persistent dans l’amalgame entre les djihadistes et les rebelles syriens, au prix, là encore, de quelque raccourcis : L’opération Timber Sycamore de la CIA mentionné par les auteurs n’a par exemple apporté des armes qu’aux factions modérées de la rébellion, celles-là même qui ont combattu l’État islamique pendant que le régime et la Russie les bombardaient.

Blast en appelle aussi aux victimes du 13 novembre, sous-entendant que l‘État islamique — fondé en Irak en 2006, soit cinq ans avant la révolution syrienne — n’aurait jamais frappé la France sans Bernard-Henri Lévy. « L’histoire est toujours écrite par les vainqueurs. En l’occurrence, en Syrie, il n’y a pas de vainqueurs, la guerre est toujours d’actualité. Pour autant, nous devons toute la vérité aux victimes. Notre document y contribue. »

Mais le travail de Blast sur les guerres « programmées » en Libye et en Syrie semble avoir trouvé un tout autre type de public. Il a par exemple beaucoup plu à Damien Rieu, l’ex porte-parole du groupuscule d’extrême droite dissous Génération Identitaire et ex candidat du Rassemblement national, passé par l’association SOS Chrétiens d’Orient et lui même fervent défenseur du dictateur syrien. Il a déclaré sur Twitter qu’il trouvait ces articles « excellents ».

Il a aussi a été relayé par des acteurs bien connus de l’écosystème de la désinformation sur la Syrie : Le 7 novembre par François Asselineau — fondateur du parti souverainiste UPR et figure complotiste qui a déjà remis en cause la véracité des attaques chimiques en Syrie — sur son compte Twitter. Le 10 novembre par Vanessa Beeley, blogueuse britannique conspirationniste pro-Assad, sur sa page Facebook. Le 10 novembre par InfoSyrie.com — site conspirationniste pro-Assad d’extrême droite dit de «réinformation» fondé par la filiale syrienne de Riwal, entreprise de communication de Frédéric Chatillon, ex-prestataire du Front national et du ministère du Tourisme syrien — sur sa page Facebook.

Dans un droit de réponse publié sur Blast le 25 novembre 2021 et adressé au site Conspiracy Watch suite au passage dans son émission d’un de nos contributeurs présentant les résultats de notre contre-enquête, Blast réaffirmait que « les documents de Blast n’ont JAMAIS été diffusés ni publiés nulle part. Ils ne risquaient pas puisqu’ils proviennent d’une fuite qui les a fait échapper des archives du Qatar et des plus hautes autorités de l’émirat. Ils sont exclusifs et rendus publics en tant que tels. Ils portent des éléments d’authentification qui ne laissent aucun doute. »

MàJ le 09/11/2021 à 14h25 : Le livre et le film de Bernard-Henri Lévy sur la Libye sont respectivement sortis en 2011 et 2012, et non en 2016 comme écrit par erreur.

MàJ 13/11/2021 : ajout d’une troisième source en arabe datant de décembre 2011 mentionnant déjà le « plan Lévy-Hamad [Ben Jassim al-Thani] » et décrivant Bernard Henri-Lévy comme « l’homme des missions spéciales de l’organisation sioniste mondiale ».

MàJ 13/11/2021 : ajout du partage de l’article de Blast par François Asselineau, Vanessa Beeley et Infosyrie.com

MàJ 06/07/2022 : le 29 juin, Bernard Henri-Lévy a perdu son procès en appel contre Blast. La Cour d’appel a cette fois estimé que les accusations de Blast contre Bernard Henri-Lévy contenues dans l’article Qatar connection : les documents qui visent Carla Bruni-Sarkozy, BHL et Laurent Platini étaient bien diffamatoires mais que les journalistes ont « fait preuve de prudence et de mesure dans l’expression », puisqu’ils « ont pris soin de préciser qu’il était impossible de dire si le document “devait être considéré comme une pièce de toute première importance” ou comme un “faux grossier” ». Le 30 juin le directeur de Blast Denis Robert assurait au contraire sur Twitter : « La cour d’appel de Paris a balayé ces arguments, authentifié la qualité de notre travail et indiqué que nous servions l’intérêt général ». Le 7 juillet, il assume auprès de Mediapart d’être allé « un peu plus loin » dans son tweet que le papier publié par Blast, « à partir du moment où la cour d’appel a validé l’article dans sa formulation, donc notre travail ».

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[1] C. Phillips, The Battle for Syria, International rivalry in the new Middle-East, Yale, 2020, p.88–90

[2] C. Phillips, The Battle for Syria, International rivalry in the new Middle-East, Yale, 2020, p.139

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