James Le Mesurier : «Les Casques blancs ont contribué à montrer au monde la réalité de ce que fait Assad»

James Le Mesurier, directeur de l’ONG Mayday Rescue qui avait aidé au développement et à l’entraînement des Casques blancs en Syrie, a été retrouvé mort le 11 novembre dernier en bas de son immeuble d’Istanbul. Une enquête a été ouverte par la police turque. Quelques jours à peine avant sa mort, il était encore accusé dans un tweet du ministère russe des Affaires étrangères d’être un ancien agent des services de renseignements britanniques et d’être «lié à des groupes terroristes». En août 2018, Syrie Factuel s’était entretenu avec lui, pour lui permettre de répondre à des accusations similaires formulées, par Rachad Antonius sur le quotidien d’information québécois Le Devoir à son encontre et contre les Casques blancs. Un entretien exclusif que nous choisissons de publier intégralement (en Anglais et en Français) pour la première fois ci-dessous :

Syrie Factuel
15 min readNov 18, 2019
James Le Mesurier — Source Twitter

Syrie Factuel : Comme vous le savez, vous êtes accusés, entre autres, d’avoir travaillé pour Academi (ex Blackwater). Pouvez-vous résumer votre parcours ?

James Le Mesurier : Je suis accusé de beaucoup plus que cela, je suis également accusé de travailler pour la CIA, le Mossad et le MI6, ainsi que pour la DGSE et tout le reste.

J’ai commencé ma carrière en tant qu’officier dans l’armée britannique avant de rejoindre les Nations unies. J’y ai travaillé environ deux ans et j’ai aussi mené différentes missions pour les affaires étrangères de l’Union européenne. J’ai ensuite rejoint une société de sécurité privée appelée Olive Group, pendant environ 4 ans au poste de vice-président pour les projets spéciaux. Ces projets spéciaux dont je m’occupais concernaient le secteur humanitaire. J’ai par exemple mené des opérations après le tsunami en Asie du Sud-Est en 2004 ou pour évacuer des personnes du Liban, en 2006, pendant la guerre. Et à aucun moment au cours de cette période je n’ai participé à des opérations en Irak ou porté une arme. Je n’étais pas un sous-traitant de sécurité armé.

Beaucoup de choses sont dites à mon sujet. Du fait de mon passage chez Olive Group, j’aurais été en relation avec Academi ou Blackwater. Or, il faut souligner que ce n’est que plusieurs années après mon départ du groupe qu’Olive Group a commencé à développer des relations avec Academi, Blackwater et ce genre d’organisations. Je peux donc dire que, de ma vie, je n’ai jamais eu de contact avec quelqu’un de Blackwater ou Academi.

Au cours de ces activités, étiez-vous directement lié, par exemple, aux gouvernements britannique ou américain ou à une autre organisation étatique ?

J’ai travaillé pendant trois ans au Moyen-Orient en tant que sous-traitant auprès du ministère britannique des Affaires étrangères au Moyen-Orient, donc pendant cette période, oui, mais il n’y a rien d’inhabituel à cela et je rejette avec la plus grande vigueur toutes les accusations selon lesquelles j’aurais pu être un agent de renseignement.

Qu’avez-vous fait après Olive group ?

Après Olive Group, j’ai effectué des travaux à Abou Dhabi pour une société de conseil américaine, Good Harbour, spécialisée dans les stratégies et le conseil en gestion. Mon rôle principal était la sécurité urbaine, qui était liée à la conception de la sécurité pour la ville d’Abou Dhabi, j’ai traité avec beaucoup d’architectes et de cabinets d’aménagements urbains. Puis, lorsque j’ai quitté Good Harbour, j’ai commencé à travailler en Syrie fin 2011/début 2012.

Pourquoi vous être rendus en Syrie en 2012 ?

J’avais déjà visité la Syrie. Je trouvais que c’était un pays magnifique et j’y ai rencontré des personnes extraordinaires. J’ai été touché par ce qui s’y passait et j’ai alors eu l’occasion de faire un travail de conseil qui portait sur les différentes manières de fournir un soutien aux civils syriens. Cela m’a amené à lancer les Casques blancs et, plus tard, à créer ma propre ONG, la Fondation Mayday Rescue. Il n’y avait pas de lien entre cette nouvelle activité et mes activités à Abou Dhabi puisque j’ai quitté mon travail là-bas avant de débuter mon nouveau travail à Istanbul en 2012.

Quand vous vous êtes rendus en Syrie en 2012, c’était donc juste parce que vous saviez qu’il y avait une guerre là-bas et que vous vouliez faire quelque chose pour apporter votre aide ?

En 2012 ce n’était pas encore une guerre, la guerre est venue plus tard. En 2011 et 2012, il s’agissait d’un soulèvement civil populaire contre une dictature brutale et très bien installée. C’était une cause en laquelle je croyais et à laquelle je voulais contribuer. Au cours de l’année 2012 le gouvernement syrien a réagi avec de plus en plus de violence, transformant le soulèvement en guerre civile. Mais à l’époque où j’ai commencé, il s’agissait toujours bien d’un soulèvement pacifique qui réclamait des changements politiques en Syrie.

Au cours de ma carrière, j’ai passé beaucoup de temps à travailler au Moyen-Orient, je parle convenablement l’arabe et une grande partie de mon travail a consisté à mener des projets dans des environnements difficiles. J’ai alors commencé à travailler pour une société appelée Analysis Research and Knowledge (ARK), une société de conseil en stabilisation du secteur privé.

Pourquoi avoir créé la Mayday Rescue Foundation et avoir participé à la fondation de la Défense civile syrienne ?

Fin 2012, l’environnement avait changé en Syrie, et en particulier dans certaines zones opposées au régime d’Assad : du point de vue des rebelles, ils avaient pris du territoire, et pour Damas, ils avaient formé des organisations militaires. Des batailles se sont ainsi déclenchées fin 2012 dans des zones qui n’étaient pas sous le contrôle de Damas. Damas a répondu en y retirant ou en cessant tous les services gouvernementaux, et avec eux les services médicaux ainsi que les services de secours étrangers.

«Ils nous ont quitté un vendredi, et le dimanche ils nous ont envoyé la vidéo d’une famille de cinq personnes ensevelies sous les décombres. Avec la formation et l’équipement, ils avaient réussi à les sauver.»

Dans le même temps, ces zones sont devenues pour le régime d’Assad des zones de tir libre. Ils pouvaient utiliser toutes les armes à sa disposition contre ces zones civiles. Ils ont commencé à utiliser les premiers hélicoptères d’attaque, puis des avions, de l’artillerie et des roquettes, et ont bombardé en effectuant des raids aériens sur ces zones civiles.

Dans les communautés qui ont été bombardées, des groupes d’hommes se rendaient sur le site de l’explosion si une bombe avait été larguée et utilisaient ce qu’ils avaient à leur disposition, c’est-à-dire souvent uniquement leurs mains, et allaient dans les décombres en essayant de retrouver des personnes en vie. J’en ai pris conscience vers la fin de l’année 2012 et, dès janvier 2013, j’ai participé à une réunion où les conditions de vie dans certaines de ces villes et villages bombardés par Assad ont été très clairement décrites.

Une réunion avec ARK ?

Oui, dans les bureaux de l’ARK, mais la réunion a eu lieu avec un certain nombre de personnes d’Alep qui étaient venues jusqu’à Istanbul et nous les avons rencontrées pour comprendre les conditions sur le terrain. Ce qui était pour moi très important et intéressant, c’était l’ampleur des bombardements perpétrés par le régime. J’ai réalisé qu’il manquait une forme organisée de services d’ambulances et de lutte contre les incendies. Il n’y avait pas de moyens de recherche et de sauvetage. J’ai donc développé un concept pour un projet pilote, de formation et d’équipement des équipes de secouristes volontaires en Syrie. Ce projet a été financé début 2013 par le gouvernement des États-Unis, plus précisément par le département du Bureau des conflits et des opérations de stabilisation (Bureau of Conflict and Stabilization Operations), qui a fourni une petite somme d’argent.

Quelques semaines plus tard, nous avons donc organisé un cours de formation pour un groupe de volontaires venus du nord d’Alep. Nous leur avons donné du matériel et les avons entraînés. Pendant une dizaine de jours, nous leur avons expliqué comment effectuer des opérations de recherche et de sauvetage après des attaques à la bombe. Et ce groupe est ensuite retourné dans le nord d’Alep. Ils nous ont quittés un vendredi, et le dimanche, ils nous ont envoyé la vidéo d’une famille de 5 personnes ensevelies sous les décombres. Avec la formation et l’équipement, ils avaient réussi à les sauver. C’était un moment très important, car cela montrait qu’un peu d’entraînement et d’équipement pouvaient avoir un effet très rapide.

Nous sommes allés voir d’autres gouvernements et nous leur avons demandé leur financement et leur soutien pour continuer à former les équipes de volontaires. Ainsi, au cours de l’année 2013, nous avons formé et équipé environ 15 équipes. Nous nous sommes rendu compte que la demande des communautés locales pour la mise en place de ces équipes de secours était très forte. Cela semblait donc très utile, car il y avait un fort soutien des communautés sur le terrain.

Une opération de déminage menée par des Casques blancs en 2017 — Photo : Nazzal Al-Khasawneh

D’après mon expérience de travail dans des conflits ou des États fragilisés, la communauté internationale fait beaucoup de choses qui ne sont pas très efficaces. Beaucoup d’argent est gaspillé dans des programmes conçus dans les capitales ou par des personnes qui ne comprennent vraiment pas l’environnement, ni le pays, et qui ne sont pas soutenus par les communautés locales. Or, ce programme-là semblait vraiment fonctionner. C’était très simple, il s’agissait de former et d’équiper des équipes de volontaires locaux pour sortir les personnes des décombres, il y avait une énorme demande de la part des communautés et cela sauvait des vies.

Finalement, j’ai suffisamment cru en cette idée pour quitter mon emploi chez ARK et créer ma propre organisation à but non-lucratif, la Mayday Rescue Foundation. Ses objectifs étaient de former des équipes de volontaires dans des zones de conflit, c’était le début de Mayday Rescue. Cela explique pourquoi les premières formations et équipements des équipes qui sont ensuite devenues les Casques blancs ont commencé avant même la fondation de Mayday Rescue.

Les Casques Blancs sont donc séparés de Mayday Rescue Foundation ?

Tout à fait. Mayday Rescue est une petite ONG internationale. Ce que nous faisons, c’est établir des organisations de sauvetage locales, comme les Casques blancs. Mais les Casques blancs ont leur propre Organisation. Ils sont 100% syriens. L’une des choses que nous essayons de faire est de nous assurer qu’ils ont tout ce dont ils ont besoin pour être complètement indépendants, afin qu’à l’avenir, ils puissent opérer, sans avoir besoin de l’intervention de Mayday Rescue, qu’ils soient complètement autonomes sur le plan opérationnel et financier.

Y a-t-il des liens entre votre fondation et The Syria Campaign (SC), que certains accusent d’être l’organisation qui gère les relations publiques de votre fondation.

Pas du tout. The Syria Campaign est effectivement accusée d’être la fondation de relations publiques des Casques blancs. Mais il n’y a pas de relation contractuelle entre Mayday Rescue et SC. Ce sont deux organisations entièrement distinctes. Évidemment, nous connaissons très bien le personnel de SC. La relation avec SC a débuté en 2014 par un courrier électronique et nous nous sommes ensuite rencontrés pour discuter. J’appréciais l’objectif de SC : mettre en lumière le conflit en Syrie, sensibiliser les gens du monde entier à ce qui se passait à l’intérieur. Nous avons considéré que cela était tout à fait compatible avec notre travail et celui des équipes de secours.

Ils sont accusés d’être ce genre de réseaux d’organisations financées par Soros, etc., ce qui est faux. Mayday Rescue ou les Casques blancs n’ont jamais versé d’argent à SC, et nous n’avons jamais eu de contrat avec eux. Il s’agit simplement d’organisations partageant des objectifs similaires et des missions similaires, et qui travaillent en collaboration.

Les Casques blancs sont accusés de promouvoir un changement de régime en filmant les conséquences des frappes pour demander une zone d’exclusion aérienne («no-fly zone»). Pourquoi les Casques blancs sont-ils équipés de caméras ?

Je suis bien conscient de ces accusations selon lesquelles les Casques blancs sont une organisation ayant cet objectif. Ces accusations sont portées tout le temps. Mais je ne comprends pas comment les caméras embarquées pourraient être un outil de promotion de changement de régime. Quel est le lien entre secourir des gens sous les ruines et un changement de régime ? Comment sauver des gens renverserait Assad ?

Les Casques blancs ont des caméras pour une raison simple. Nous avons initialement déployé ces caméras pour visionner les séquences vidéo, de façon à pouvoir faire des retours d’expérience de leurs interventions et les intégrer au programme de formation. Puis, lorsque nous avons commencé à voir les images, nous avons constaté que celles-ci montraient vraiment la réalité de ce qui se passait sur le terrain en Syrie.

Et puisqu’il n’y avait pas beaucoup de journalistes qui avaient accès à ce type d’images, nous nous sommes mis à les publier sur Twitter. Elles y ont ensuite été récupérées puis utilisées par les journalistes pour montrer la réalité de ce qui se passait. Le rôle des Casques blancs à cet égard, a simplement été de prendre les images et de les poster sur Twitter. Tout ce qui se passait après, cela a été le fait des médias internationaux.

Les Casques blancs ont tout simplement des caméras pour filmer leurs sauvetages. Le gouvernement syrien, au cours des cinq dernières années, a bombardé sans discernement sa propre population civile. Cela est prouvé sans qu’il y ait l’ombre d’un doute. Assad bombarde des zones civiles où il prétend que tous les résidents sont des terroristes. Or, il existe des dizaines de milliers de vidéos, prises par les Casques blancs et prises par d’autres, qui montrent que les cibles de ces bombes sont des femmes et des enfants aussi bien que des groupes armés.

« Ce qui s’est passé avec la Syrie c’est que les conspirationnistes qui sont contre les Casques blancs ont eu accès à une plateforme, qui est une plateforme politique, offerte aussi bien par le gouvernement syrien que par le gouvernement russe, et qui a été présentée comme l’opinion de la majorité. »

Donc, oui, les Casques blancs ont contribué à montrer au monde la réalité de ce que fait Assad. Il affirme publiquement qu’il s’agit d’une guerre contre le terrorisme, mais il s’agit en réalité de campagnes de bombardements aveugles contre la population civile syrienne, et c’est pourquoi la moitié de la population civile syrienne a été déplacée. C’est pourquoi 8 millions de réfugiés vivent dans des pays étrangers : parce que leurs maisons ont été bombardées, par leur propre gouvernement.

Le terme «zone d’exclusion aérienne» est chargé politiquement parce que les conspirationnistes l’assimilent à une étape préalable à une invasion de l’OTAN et à un changement de régime. Mais quand les Casques blancs appellent à une zone d’exclusion aérienne, ils appellent simplement à l’arrêt des bombardements aériens sur la population civile syrienne. Ce n’est pas la même chose qu’un changement de régime. Il y a bien eu une zone d’exclusion aérienne au Nord de l’Irak pour protéger les Kurdes, par exemple. (Ndlr : de 1991 à 2003)

Quelle était la nature de leurs relations avec les groupes armés, peut-être était-ce différent dans chaque ville, mais de manière générale avaient-ils de bonnes relations, pouvaient-ils travailler librement ?

Quiconque travaillant dans une zone de conflit devra à un moment donné avoir des relations ou des rencontres avec des groupes armés. Ce n’est pas spécifique aux Casques blancs, le Comité International de la Croix Rouge (CICR) ou les Nations unies devront aussi parler à des groupes armés s’ils travaillent en zone de conflit. Donc oui, les Casques blancs ont eu des contacts avec des groupes armés, comme n’importe qui voulant opérer en Syrie aura des contacts avec des groupes armés. Les relations entre les Casques blancs et les groupes extrémistes ont toujours été mauvaises. Celles avec les groupes plus modérés de l’Armée Syrienne Libre étaient généralement meilleures, mais cela peut dépendre de l’endroit.

Mais il est important de retenir qu’il est écrit dans les statuts des Casques blancs qu’ils n’ont aucune association avec aucun groupe politique ou armé. S’ils avaient développé des relations formelles avec l’un de ces groupes, alors les autres groupes se seraient retournés contre eux et leur aurait dit : «Si vous êtes avec eux alors vous ne pouvez être avec nous et en conséquence nous sommes contre vous et vous ne pourrez plus travailler dans nos territoires.» Ils n’avaient donc d’autre choix que de garder leurs distances et leur impartialité vis-à-vis de tous les acteurs politiques et armés, afin de pouvoir obtenir les accès dont ils avaient besoin pour sauver autant de vies que possible.

À Alep, par exemple, le travail des Casques blancs était populaire aussi bien auprès des groupes armés, que des factions politiques et qu’auprès de la population civile. Car chacun avait de la famille vivant à Alep et tout le monde vivait avec les mêmes risques. Si une bombe tombait alors chacune de ces entités savait que les Casques blancs viendraient pour les sortir de là. À plusieurs occasions, des pressions ont été exercées par des groupes armés qui voulaient que les Casques blancs travaillent pour eux, mais les Casques blancs ont toujours refusé.

Une organisation humanitaire se doit d’être neutre politiquement. Peut-on vraiment dire que les Casques blancs sont neutres en accusant le régime Syrien et la Russie de bombarder des civils ?

Ils ont démontré leur neutralité par leur volonté de sauver tout le monde. Il y a eu plusieurs exemples où ils ont sauvé des combattants du régime, ils ont sauvé des combattants iraniens, des gens venant de toutes les parties au conflit ont été sauvées par les actions des Casques blancs. Mais le fait est que la majorité de leurs interventions sont en réponse aux bombardements aériens du régime d’Assad.

Les Casques blancs ont dénoncé les frappes de la Russie ou de la Syrie, oui, mais ils ont aussi accusé la Coalition de bombarder des mosquées par exemple. Dire à des gens qu’ils viennent juste de bombarder une infrastructure civile ce n’est pas sortir de sa neutralité, c’est rapporter des faits.

Avez-vous déjà eu connaissance de comportements négatifs de la part de certains Casques blancs ? Des informations au sujet de mauvais comportements, de corruption, ou de collaboration avec des groupes armés sont-elles déjà remontées jusqu’à vous ?

Je crois que nous avons toujours été ouverts et transparents. Les Casques blancs, c’est une organisation qui regroupe près de 4.000 volontaires. Et dans certains cas — et c’est un très petit nombre de cas lorsque l’on considère l’ensemble global — un petit nombre de Casques blancs, à titre absolument individuel, ont pu avoir un comportement qui n’était pas conforme avec les principes de l’organisation. Lorsque l’organisation a été informée de ces cas, ils ont été examinés et des actions disciplinaires ont suivi. Dans certains cas, des individus ont été exclus, dans d’autres, ils ont été suspendus, et dans d’autres cas encore il y a eu des retenues de salaires et des sanctions financières.

Cela arrive dans n’importe quelle organisation à travers le monde. Il faut garder à l’esprit qu’il s’agit d’une organisation opérant au milieu d’une guerre civile absolument horrible avec les actions terribles que l’on peut observer chez les combattants de tous les côtés, que ce soit du côté du régime ou de l’opposition. Mais il n’y a aucune preuve qu’un Casque blanc ait jamais été impliqué là-dedans ou qu’un Casque blanc ait eu un comportement proche de celui de ces acteurs armés.

Une opération de sauvetage à Alep en 2017 — photo : Hamid Kutini

À l’inverse, il y a une quantité massive de preuves de leur courage, de leur détermination, de leur altruisme et des risques qu’ils prennent pour sauver d’autres personnes. Ce qu’ils subissent, c’est une campagne de diffamation. Par exemple, il existe je crois une photo ou une vidéo où l’on voit un Casque blanc tenant un AK-47. Et à partir de cette vidéo, des gens comme Vanessa Beeley et ses collègues racontent que les 4.000 Casques blancs sont tous armés. C’est le genre de manipulation qu’ils font au sujet des Casques blancs.

De mon point de vue, il y a toujours des conspirationnistes. Ils existent dans chaque pays à travers le monde et il y a en comparaison un nombre relativement restreint de conspirationnistes occidentaux sur la Syrie. Ils sont antisystème, anti-gouvernement, ils prétendent être anti-guerre, etc.

Ce qui s’est passé avec la Syrie c’est que les conspirationnistes qui sont contre les Casques blancs ont eu accès à une plateforme, qui est une plateforme politique, offerte aussi bien par le gouvernement syrien que par le gouvernement russe, et qui a été présentée comme l’opinion de la majorité. C’est là, je crois, quelque chose de très dangereux à propos de la propagande et de la désinformation sur les Casques blancs, un très petit nombre de marginaux un peu dérangés ont eu accès à cette plateforme, notamment grâce à la Russie, parce que cela s’aligne avec les objectifs de la Russie.

L’un des détracteurs les plus importants des Casques blancs est Vanessa Beeley, qui croit aussi que l’attaque contre Charlie Hebdo a été mise en scène, ou encore que la vérité sur le 11 septembre doit être questionnée pour savoir ce qui se serait vraiment passé. Je pense qu’il est important que quand les gens essaient d’établir la crédibilité de ce genre de personne, ils prennent aussi en compte ces éléments.

Mais plus important encore, je pense que nous devons résoudre un problème de société global. Il est si important aujourd’hui de vérifier les faits. C’est plus important que jamais. Cela nécessite la mobilisation des citoyens pour être sûr qu’ils sachent d’où viennent les informations qu’ils consomment. Si elles sont présentées comme fiables, elles doivent avoir été vérifiées.

Entretien réalisé le 3 août 2018 par Syrie Factuel

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